Madagascar: réunion au palais présidentiel après sept jours de manifestations
De nouvelles manifestations de la jeunesse malgache ont éclaté mercredi dans plusieurs villes de Madagascar pour réclamer le départ du président Andry Rajoelina, après déjà une semaine de rassemblements et un appel désormais à la grève générale.
Mercredi soir, le chef de l'Etat a organisé une réunion au palais présidentiel avec des représentants de la communauté internationale, qui s'est terminée peu après 19h00 locales (16h00 GMT), a indiqué à l'AFP une porte-parole de la présidence Lova Ranoromaro.
Selon elle, le mouvement est dispersé, "sans qu'un vrai leader clair n'émerge pour porter leur parole et permette un échange structuré".
"Les revendications exprimées — notamment l'accès à l’eau et à l'électricité — ont déjà été prises en compte, avec en l'occurrence le soutien de nos partenaires internationaux. Mais (...) une instabilité politique conduirait à la suspension de ces appuis", a-t-elle ajouté, en évoquant "des financements importants".
Dans la grande ville d'Antsiranana, une foule de plusieurs milliers de personnes a défilé en appelant au départ du président, a confirmé à l'AFP une source locale dans le nord de Madagascar. Un rassemblement de centaines de personnes a également eu lieu à Toliara (sud).
Dans l'après-midi, le centre d'Antananarivo était bouclé par les forces de l'ordre qui ont fait usage de gaz lacrymogène pour disperser des groupes épars, a constaté une équipe de l'AFP. La vie suivait son cours dans le reste de la capitale.
Des images d'un jeune garçon blessé au visage mercredi ont fait le tour des réseaux sociaux et médias malgaches.
"Le gouvernement a pris en charge gratuitement le traitement du garçon blessé", a indiqué le principal hôpital de la capitale dans un message sur les réseaux sociaux montrant l'enfant, tête bandé, passant des imageries médicales.
- L'opposition embraie -
L'opposition, d'abord timide, s'est joint mercredi à la dynamique via une rare prise de position de la plateforme Firaisankina.
Le principal opposant malgache Siteny Randrianasoloniaiko, notamment, et l'ancien président Marc Ravalomanana, parti après la contestation populaire de 2009, font partie des signataires.
Plus de 200 ONG locales ont par ailleurs appelé mercredi à la "fin immédiate de toutes formes de répression" et au "respect du droit de manifester", dans un communiqué commun.
Un appel à une médiation de l'Eglise a été lancé, dans le sillage d'un message du pape, qui a appelé à la "promotion de la justice et du bien commun" dans cette île pauvre de l'océan Indien.
Ancien maire d'Antananarivo et magnat des médias, Andry Rajoelina, 51 ans, a été installé une première fois au pouvoir de 2009 à 2014 par les militaires après un soulèvement populaire. Il s'est mis en retrait quatre ans sous la pression internationale avant de se faire élire en 2018 puis réélire en 2023 lors d'un scrutin contesté.
Lundi soir, il a limogé tout son gouvernement, sans parvenir à calmer le jeu.
"Il est au pouvoir depuis 16 ans, mais rien n'a changé, les conditions de vie des Malgaches se dégradent et empirent de jour en jour. Notre avenir s'assombrit", critiquait mardi un manifestant, coupe de cheveux et chemise soignées mais lui aussi masqué.
Reprenant le drapeau pirate tiré du manga "One Piece" vu lors des contestations en Indonésie ou au Népal et baptisé en référence à la génération née avec l'an 2000, le mouvement Gen Z a embrasé le pays au-delà de la capitale, via les réseaux sociaux.
Le mouvement appelle la fonction publique à "se joindre à la grève générale". Le principal syndicat des inspecteurs du travail ainsi que de la société nationale de distribution d'eau et d'électricité (Jirama) ont annoncé se mettre en grève.
Les coupures incessantes d'eau et d'électricité, causées selon les manifestants par une mauvaise gestion du pouvoir, sont à l'origine du ras-le-bol et de la première manifestation le jeudi 25 septembre, suivie de pillages.
Malgré ses immenses ressources naturelles, cette ancienne colonie française devenue indépendante en 1960 figure encore parmi les pays les plus démunis au monde. En 2022, près de 75% de sa population vivait sous le seuil de pauvreté selon la Banque mondiale. Par ailleurs, l'organisation Transparency International le place au 140e rang sur 180 dans son indice de perception de la corruption.
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M.N.Langer--BVZ